Bestiaire typographique animé

1 – Base 12

BASE 12 est un caractère typographique dessiné en 1995 par Zuzana Licko. Co-fondatrice du célèbre magazine de design graphique américain Emigre, elle est l’une des figures les plus importantes du graphisme des années 1990.

2 – Garamond

On doit le Garamond au célèbre graveur français Claude Garamont, actif au début des années 1500. Rapidement adopté par la Cour de France, le Garamond plus récemment soutenu le Think different d’Apple et il est utilisé, excusez du peu, par les éditions de la Pléiade.

3 – Didot

Le 18e siècle voit apparaître un papier vergé de qualité supérieure ainsi que des encres à séchage rapide, évitant le « bavage » des caractères imprimés.

Cette précision nouvelle permet à Firmin Didot d’imaginer des lettres très contrastées, avec des parties épaisses (les pleins) et d’autres extrêmement fines (les déliés).

Symbole d’élégance à la française, on le trouve aujourd’hui sur les couvertures de Vogue, Vanity Fair et Elle.

4 – Copperplate

Asseoir sa légitimité est chose facile avec le Copperplate, dessiné par Frédéric Goudy en 1905. Copperplate signifie «plaque de cuivre», car il est typique des lettres gravées sur ce matériau, avec ses toutes petites pattes sous les lettres (les empattements).

Son côté « classique revisité » fera du Copperplate un caractère très populaire tout au long du 20e siècle, notamment pour les cartes de visite d’avocats ou de médecins.

5 – Minion

Le Minion fait partie des typographies diffusées par Adobe.

Son intérêt réside notamment dans ses très nombreuses graisses (du très fin au très gras) et dans son alphabet enrichi par des lettres grecques, cyrilliques, des symboles mathématiques, des capitales décoratives… Idéal pour communiquer à l’international !

6 – Neutraface

Neutraface, c’est un hommage rendu à l’architecte californien Richard Neutra.
Parfaite harmonie entre fonctionnalisme et humanisme, ses constructions étaient si abouties qu’il avait même pensé à en designer la signalétique.

Le typographe Christian Schwartz a glané ces belles lettres sur les différents bâtiments créés par l’architecte, pour les restituer sous forme d’une typographie à l’esprit résolument géométrique, harmonieux et humain.

7 – Charter

Quel est le point commun entre les polices de caractère Georgia, Verdana et Charter ?

Leur créateur, Matthew Carter ! Dans les années 1980, on constate que les typographies classiques sortent mal sur les imprimantes de l’époque. À la demande de Microsoft, Carter part de cette contrainte pour créer le Charter, avec des empattements notablement épais pour éviter qu’ils ne bavent à l’impression.

8 – Akkurat

Vous connaissez probablement l’Helvetica, la mythique typographie créée par Max Miedinger en 1957 ? Mais saviez-vous qu’elle est nommée ainsi parce que notre pays a initié le « style international suisse », un mouvement dont la principale valeur est le fonctionnalisme ?

En 2002, le graphiste suisse Laurenz Brunner, entouré de typographies trop fantaisistes à son goût, décide de créer un caractère dans la plus grande tradition helvétique de l’élégance formelle : l’Akkurat.

9 – Charlemagne

La typographe américaine Carol Twombly s’est beaucoup intéressée aux écritures anciennes. Le caractère Charlemagne est inspiré de sa recherche sur les calligraphies d’un manuscrit anglo-saxon du Xe siècle.

Mais les typographies historiques ont-elles une place dans notre monde moderne ? Imaginez ces lettres carolingiennes avec une lampe de bureau bondissante… ah oui, tiens, c’est le logo du studio d’animation Pixar ! 🙂

10 – Futura

Créé par l’allemand Paul Renner en 1927, ce caractère géométrique exprime une foi dans le progrès, dans un futur idéal où tout serait à la fois fonctionnel et beau.

La plaque commémorative emportée sur la lune par Appolo 11 est composée en Futura. Futura… un idéal de simplicité formelle qui a séduit des générations de graphistes, pour devenir la typographie d’un ton direct et clair, comme par exemple sur le logo de Canal+

11 – Caslon

“When in doubt, set in Caslon” (« Dans le doute, utilisez du Caslon »), dit un adage, tant ce caractère est un classique du monde anglo-saxon.

Gravé par l’anglais William Caslon en 1725, ses poinçons (c’est le nom qu’on donne aux caractères en plomb) se sont répandus à travers tout l’empire britannique… dont l’Amérique du Nord où ils ont servi à imprimer la Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique.

12 – Goku

Avec toutes les typos historiques croisées dans ce Bestiaire, vous vous dites peut-être que rien ne se crée plus dans ce domaine… détrompez-vous ! Si les caractères d’aujourd’hui sont dessinés sur informatique plutôt que gravés dans du métal, la création typographique est toujours très active, réinterprétant les codes anciens…

C’est le cas du Goku, un caractère contemporain avec de grands contrastes entre les pleins et les déliés, dans la continuité du Didot, créée il y a 200 ans.

13 – Univers

Le caractère Univers a fait date dans l’histoire de la typographie. Créé dans les années 1950, il est directement commercialisé en 20 graisses différentes – une première !

Son créateur, l’immense typographe suisse Adrian Frutiger, dit de son art : « La typographie doit être aussi belle qu’une forêt, et non pas à l’image de la jungle en béton des immeubles… Il faut laisser de la distance entre les arbres, de l’espace pour y respirer et pour pouvoir y vivre. »

14 – Yanone Kaffesatz

Premier caractère dessiné par Jan Gerner, le Yanone Kaffesatz (2004) est un hommage aux enseignes des maisons de café des années 1920. Ce caractère possède une spécificité qui le fait tout de suite remarquer : curieusement, ses lettres les plus grasses sont aussi les moins larges. Dans un langage de typographe, cela donne : « Plus elle est grasse et moins elle chasse »

15 – Meta

On l’a surnommée l’« Helvetica des années 90 » tant elle a été utilisée durant cette décennie. On la décrit comme une linéale humaniste, c’est-à-dire qu’elle ne possède pas d’empattements, mais que ses formes rappellent la fluidité de l’écriture manuelle.

On la doit à un grand nom allemand de la typographie : Erik Spiekermann. Et elle se nomme : Meta. Et là c’est moi, Noé, qui parle : elle a été mon grand amour quand j’étais étudiante.

16 – Zapfino

Imaginé dans les années 1980, le Zapfino est le fruit de la collaboration entre un docteur en informatique de Standford et le typographe Hermann Zapf. L’objectif ? Créer des variations de caractères selon le contexte – qu’un « e », p. ex., soit différent selon qu’il se trouve au milieu ou à la fin d’un mot.

C’est avec l’apparition du format de polices OpenType que ce Graal typographique fut enfin atteint : 65’536 caractères dans une seule typographie, et la possibilité de les combiner selon le contexte.

17 – Swift

Le vol du martinet (en anglais « swift ») est vif comme l’éclair. Ce sont les formes de cet oiseau taillé pour la vitesse qui ont inspiré Gerard Unger pour la création du Swift, en 1985. Ses courbes sont tendues, et ses empattements taillés d’un coup de scalpel net et précis : pas de doute, cette typo parle de performance !

Et pour cause : destiné à la presse quotidienne, imprimée à très haute vitesse – Unger dit de sa création « J’ai designé le Swift pour en faire un survivant ! »

18 – Myriad

Fermez les yeux et imaginez le mot iPad. Ou iPhone. Ou iPod si vous êtes vintage. Il y a de fortes chances que vous le voyiez dans sa typographie d’origine, le Myriad.

Imaginé par Robert Slimbach et Carol Twombly pour Adobe Systems – l’éditeur de Photoshop – le Myriad est devenu un emblème des années 2000. À revoir sur YouTube dans le contexte du début des années 2000 à travers la campagne « Silhouettes » pour l’iPod.

19 – Trajan

Quel est le point commun entre Star Wars, Titanic et Games of Thrones ? Vous l’avez deviné : c’est la typographie utilisée pour leurs titres, le majestueux Trajan.

Ce caractère est inspiré de ceux que l’on trouve gravés sur la fameuse « Colonne Trajane », un monument érigé en l’an 113 pour célèbrer les succès militaires de l’empereur romain Marcus Ulpius Traianus.

20 – Gotham

Vous vous souvenez peut-être des bannières HOPE brandies durant la campagne de Barack Obama en 2008 ? On doit ces lettres qui sentent bon les cookies et la liberté au typographe Tobias Frere-Jones, auteur du caractère Gotham.

Dans les rues de New York, il a photographié tous les signes typographiques qu’il croisait. C’est sur la base de cette collection de petits bouts d’Amérique qu’il a créé ce caractère frais, fort, masculin, géométrique.

21 – Brandon Grotesque

Influencé par les typographies sans empattements des années 1920, Brandon Grotesque surfe sur notre attirance pour le vintage.

Avec ses petits caractères aux looongs jambages, ce caractère joue l’élégance. Pas guindé pour un sou, il fait contraster sa clarté géométrique avec de petits arrondis qui adoucissent le bas de chaque lettre.

22 – Mostra

Excentrique, le Mostra est la typographie Art Déco par excellence. Un grand titre en Mostra sur une affiche, et nous voilà propulsés dans une carte postale touristique des années 1930.

La géométrisation est passée par là : des O totalement ronds, des A en forme de triangles parfaits, et des lettres fantasques, tantôt condensées, tantôt élargies.

23 – Bickham

Évoquer graphiquement le classicisme, le luxe et l’authenticité n’est pas une mince affaire. Comme dans la haute horlogerie et le chocolat fin, en graphisme, on transmet ces valeurs en montrant l’apport de l’humain : la calligraphie entre alors en jeu.

Voici le Bickham, l’un des représentants de la famille de caractères que l’on nomme les Scriptes.

24 – AT Olde English

Dernier spécimen de ce Bestiaire Typographique de l’Avent, le caractère AT Olde English est un représentant des écritures dites gothiques, nommées ainsi à cause de leurs courbes brisées comme dans l’architecture gothique.

Pourquoi finir ce Bestiaire avec un caractère gothique ? Parce que nous serons ainsi revenus aux origines de la typographie, dont je vous dirai 2 mots demain pour clore ce voyage dans le monde de la typographie.

25 – Il était une fois l’imprimerie

Autour de 1455, à Mayence en Allemagne, Johannes Gutenberg achève le premier livre imprimé de l’histoire, la Bible à 42 lignes, composée dans un caractère gothique.
Imaginez : Gutenberg réalisa 180 Bibles en 3 ans… c’est le temps qu’il aurait fallu à un moine copiste pour en calligraphier une seule !

L’invention de l’imprimerie rendit le savoir accessible et mobile. Et depuis lors, la typographie devint la voix des idées de son temps.

Merci d’avoir suivi ce Petit Bestiaire avec autant d’intérêt. Il trouve maintenant son point final, mais vous enjoint à cultiver vos points d’interrogation.