Dans l’horlogerie haut de gamme, les cadrans mettent en scène des chiffres qui participent à nous emmener dans l’univers de la marque et le concept du produit. Romains ou arabes, décalques ou appliques, ils ne sont pas que matière : ils sont aussi formes. Toujours en équilibre entre technicité et poésie, les marques horlogères font des choix typographiques significatifs, dont je vous propose de découvrir quelques exemples.
Deux stratégies
Audemars Piguet
Breitling
De par leur profusion et leur forme basée sur un rectangle aux coins arrondis, les chiffres Breitling évoquent un tableau de commande aéronautique. Plusieurs modèles utilisent en complément de très grands chiffres de la gamme des « stencil », dont les gouttières très caractéristiques permettent de découper les caractères pour en faire des pochoirs. Ce procédé de marquage au pochoir est notamment très utilisé par l’armée, et ce sont ses qualités de fiabilité et de robustesse que Breitling convoque à travers ce choix typographique.
Hermès
Chez Hermès, c’est l’audace qui prédomine. Le choix typographique est totalement décomplexé, c’est un élément de mode qui donne à chaque modèle sa singularité. J’en veux pour preuve le modèle Slim, dont les chiffres, dessinés par Philippe Apeloig, comportent des « lignes parfois interrompues, espaces silencieux dans le dessin, qui figurent la cadence du temps ».
Panerai
Chez Panerai, les chiffres sont géants, comme un sous-marin et les océans qu’il sillonne, ce qui permet de mettre en valeur leur aspect ouaté. Tout dans leur forme est atténué, de leurs terminaisons rondes (le bas des 1, par exemple), à la légère courbe dans la diagonale du 2 : on peut immédiatement entendre le son déformé des grandes profondeurs. Fait remarquable, le style « pochoir », dont il était déjà question chez Breitling, est ici réinterprété d’une manière particulièrement douce, puisque les 6 et les 9 sont ouverts plutôt que coupés.
Richard Mille
Chez Richard Mille, le chiffre est totalement anguleux : pas la moindre courbe en vue. Les terminaisons ont même des angles extrêmement aigus, à mettre en relation avec le côté pointu de la marque. Le contraste entre les pleins et les déliés est lui aussi poussé à l’extrême : chez RM, tout est dans l’équilibre entre impact et finesse, la tension de la performance est palpable. À noter, la prédilection de la marque pour les chiffres de style « outline » (en filet) à mettre en rapport avec son intérêt pour l’exploration du lien entre l’intérieur et l’extérieur de la montre.